sont ils voués à la disparition
sont ils voués à la disparition
Jusque dans les années 1990 si les gens de mer parlaient de « canot », de « canot à bourcet » ou même de « bourcet », les autres parlaient pratiquement toujours de « canot de Barfleur », de « canot barfleurais », voire de « barfleurais », même si le bateau avait été construit à Saint Vaast ou à Cherbourg !
On ne disait jamais canot de Saint Vaast ou canot de Cherbourg.
De même on ne parlait jamais de vaquelotte : « Les vaquelottes c’est un nom officiel mais il n’y a pas longtemps qu’on les appelle comme ça.. ».
A la même époque André Bellot nous rapportait l’anecdote suivante : « A Barfleur on n’appelait jamais ça une vaquelotte….
Mon frère me demandait : Dis donc …Qu’est ce que c’est que ça qu’une vaquelotte ? » Son frère Jean en avait pourtant construit des dizaines !!!!
Le mot vaquelotte est apparu pour la première fois, en 1890, dans la matricule des navires du quartier de La Hougue, pour l’Ernest LH 253 à Jacques Lehouchu de Barfleur.
La seconde vaquelotte est le Saint Martin LH 337.
Puis on trouve Jeune Pierre LH 387, Marie LH 391, Saint Romphaire LH 412 etc.
Pendant un certain temps les termes « vaquelotte » et « bateau » coexistent mais à partir de 1905 le terme de « bateau » disparaît de la Matricule.
« Vaquelotte » a été retenu par l’administration sans que l’on sache ni d’où vient ce nom ni quels sont les critères qui différencient un canot d’une vaquelotte.
Il est singulier de remarquer que le Berceau du marin et La Barfleuraise, des bateaux pratiquement identiques, construits en même temps ont été enregistrés l’un comme canot et l’autre comme vaquelotte !
Il semble, toutefois, que la dénomination de canot ait été généralement appliquée à des bateaux de moins de 2 tonneaux et celle de vaquelotte aux bateaux plus importants mais il y a des exceptions dans les deux sens. « Vaquelotte » a commencé à être employé après la parution du livre Bateaux de Normandie de François Renault.
Dans les conversations enregistrées à partir de 1990 certaines personnes (celles qui avaient lu le livre de François Renault) utilisaient les mots canots ou vaquelotte indifféremment.
Maintenant le mot vaquelotte est employé pratiquement par tout le monde.
C’est un cas typique d’évolution rapide du vocabulaire.
François Renault nous disait récemment qu’il se sentait un peu responsable de cette évolution et qu’il avait reçu un appel de quelqu’un qui lui demandait des conseils pour faire un plan de voilure pour une vaquelotte de …Concarneau !
L’expression « canot de Barfleur » risque de disparaître du langage ordinaire.
Jusqu’en 1955, date de la fermeture du chantier Bellot, les constructeurs de Barfleur étaient très réputés pour la qualité de leurs canots qui servaient à toutes les petites pêches et on pouvait en voir dans tous les ports entre Carteret et La Dune.
L’inventaire établi à partir de 1991 pour la DRAC de Basse Normandie avait permis d’identifier environ 150 « vaquelottes ». La mise à jour de l’inventaire est maintenant plus difficile à réaliser car beaucoup ont été dispersées en Normandie (Isigny, Port en Bessin, Caen, Dives, Rouen, Fécamp …), en Bretagne (Rance, Golfe du Morbihan, Nantes etc.) ou même jusqu’en Méditerranée !
Dans le Cotentin il en reste plusieurs à Saint Vaast et à Cherbourg.
Les flottes de Querqueville, des Flamands, du Becquet et de Fermanville se sont dramatiquement réduites.
En 2010 le port de Barfleur abritait encore trois canots à flots : Le Jour d’Espoir (1957), le Gai marin (1947) et les Deux frères (1947).
Ce sont trois jolis canots, proches de leur état d’origine, mais ayant été construits après la Seconde Guerre Mondiale, c’est-à-dire à une époque où tous les nouveaux bateaux étaient motorisés ils ne sont pas tout à fait identiques aux canots que l’on peut voir sur les cartes postales anciennes du port de Barfleur.
Inévitablement leur nombre va diminuer mais sont-ils condamnés à disparaître définitivement ?
Les charpentiers de Barfleur travaillaient avec des demies coques qui permettaient de tracer les lignes d’eau dont on déduisait les gabarits pour les pièces principales comme les membrures, mais il n’y avait pas de plan de charpente sur lequel figurent tous les détails d’assemblages, les bancs, etc.
Ils n’en avaient pas besoin car ils avaient une longue pratique de ce type de construction.
Les futurs charpentiers qui auront à construire ou à restaurer des canots n’auront évidemment pas cette expérience et c’est la raison pour laquelle nous avons rédigé un document assez complet sur les canots.
Ce document disponible sous forme de cd a été rédigé à partir de documents authentiques et surtout à partir d’enregistrements effectués auprès de constructeurs ou de marins.
Nous pensons que rien ne valant les paroles d’un professionnel, les différentes étapes de la construction des canots sont illustrées par des enregistrements sonores d’André Bellot, auxquels on accède par un clic.
Pour compléter ce document et pour rendre hommage aux charpentiers et aux pêcheurs de Barfleur nous pensons qu’il serait souhaitable de conserver un canot authentique.
Le Sept Frère a été construit en 1932 par Charles Bellot, pour Eugène Crestey de Barfleur.
Il a été largement documenté.
Son dossier a obtenu le second prix au Concours des bateaux des côtes de France organisé par le Chasse Marée en 1992.
De nombreux enregistrements ont été faits à son sujet aussi bien auprès de plusieurs des frères Crestey que d’André Bellot qui se souvenait parfaitement de sa construction.
Une partie de son matériel de pêche (casiers, nasses, moule à casiers … jusqu’au couteau et à la caisse à poisson) ont été recueillis.
Ce canot a fait la pêche à Barfleur pendant 60 ans.
Comme on le voit le Sept Frères est un pur barfleurais.
Malheureusement il a connu une période d’abandon au cours de laquelle il s’est dégradé et pour le remettre à flot il faudrait faire des réparations telles que le bateau perdrait toute valeur patrimoniale.
S’il était possible de trouver une solution pour le présenter au public d’une manière où il serait visible tout en étant préservé (petit abri en bois par exemple) il serait, à la fois, un parfait témoignage du chantier Bellot et de la petite pêche locale.
source : François POCHON
site : http://canotsdebarfleur.monsite-orange.fr/index.html